Le Groupe JLO est régulièrement saisi, depuis ces dernières années, d’un nombre croissant de demandes d’enquête relatives à des situations présumées de harcèlement au travail. Ces demandes font écho aux alertes également plus fréquentes, enregistrées par l’encadrement, les services RH, les correspondant QHSE, les IRP ou tout simplement matérialisées au sein des systèmes et des outils internes d’enregistrement des alertes dont nos clients se sont équipés.
Ce qui pourrait sembler n’être qu’un ressenti, un biais commercial ou marketing, est en fait corroboré par l’augmentation, objectivement constatée par plusieurs baromètres réalisés ces dernières années, des demandes d’enquêtes.
En effet, le sujet du harcèlement est progressivement passé au sein des entreprises « d’inexistant » à « reconnu juridiquement ».
Ainsi, selon un baromètre Ipsos en partenariat avec un Cabinet spécialisé, près de 74% des salariés considèrent que les situations de harcèlement au travail sont répandues, 62% estimant qu’elles le sont de plus en plus et 35% déclarent en avoir déjà été victimes au travail.
Dans le même temps, près de la moitié se dit mal informée sur la thématique. Cela pourrait contribuer à la fois à complexifier la détection des cas, mais aussi à générer davantage de « faux positifs » par méconnaissance du cadre et confusion avec les situations de conflits inhérentes aux organisations.
Cette progression constante du contentieux en matière de harcèlement au travail a propulsé l’enquête interne vers une place centrale au sein des entreprises puisque les employeurs sont tenus, en cas de plainte, d’agir et constater la véracité des faits allégués.
Les entreprises sont donc encouragées à prendre toutes les plaintes au sérieux et à mener des enquêtes approfondies pour garantir un environnement de travail sûr et respectueux pour tous les employés.
Si chaque situation est singulière, les causes peuvent être multifactorielles.
Il peut être pertinent de se questionner sur les raisons susceptibles d’être à l’origine de cette prolifération des alertes, car, au-delà de ce qui est largement documenté par la littérature en Santé au travail, des facteurs récents, réglementaires et sociétaux, peuvent concourir à invisibiliser certains des processus de dégradation des situations de travail, contribuant à transformer des dysfonctionnements en situation critique.
Par ailleurs, la médiatisation du harcèlement a permis à nombre de salariés de se reconnaître dans ces situations. Dans le même temps, l’évolution du contexte sociétal va de pair avec davantage d’attentes en matière de cadre de travail bienveillant.
Rappelons que le harcèlement au travail résulte souvent de l'accumulation d'actes « mineurs » qui se transforme en mauvais traitement systématique (Salin, 2008). Les facteurs de harcèlement sont donc présents à différents niveaux et peuvent relever :
Le plus souvent, dans la phase d’alerte, la forme clinique larvée est difficile à repérer et génératrice de signaux faibles (troubles du sommeil, désengagement social, ennui, fatigue, douleurs, ruminations,…).
Elle est pourtant le premier signe d’usure au travail et ne doit pas être disqualifiée. Le salarié ne s’exprime pas forcément et se contente le plus souvent de « tenir », « englué dans une hypervigilance au travail, un activisme défensif supposés permettre l’évitement des critiques » (INRS – document pour le médecin du travail N°90 2ème trimestre 2002).
Sans « réseau de coopération », le procédé de harcèlement perdure et conduit le salarié vers une phase de décompensation qui peut alors conduire à une alerte.
Au-delà des causes entendues (contexte organisationnel, sociétal, juridique, médiatique, …) à l’origine de la progression de la sollicitation des enquêtes ces 15 dernières années, l’emballement constaté au début des années 2020 peut s’expliquer en partie par la conjonction de plusieurs phénomènes :
L’un comme l’autre a contribué à réduire la capacité de certains acteurs de proximité (managers, élus,…), essentiels au dispositif de prévention, à percevoir les signaux faibles, marqueurs des dégradations des conditions de travail. Diminué de cette possibilité d’intervenir en amont des problèmes et de réguler les dysfonctionnements, les situations ont continué de se dégrader, conduisant inévitablement au signalement de conflits.
Une des pistes de réduction des alertes harcèlements au travail réside dans la restauration de la capacité de l’organisation du travail à détecter et traiter les signaux faibles afin d’intervenir en amont du processus de dégradation dont nous savons que la dimension temporelle est la clé.
A ce titre, repenser le maillage fin de proximité élus/managers contribue à affiner la capacité à détecter des situations critiques.